Notre manifeste
Maintenir le lien avec les proches : un droit individuel, un devoir collectif
La gestion collective de la santé psychique des personnes hospitalisées ou résidant dans des EHPAD et de leurs proches doit être différente, en particulier sur l'interdiction ou la restriction de visites lors de « cas COVID ».
LE CONSTAT : VISITES DES PROCHES, UNE CONTRAINTE AU LONG COURS
Lors de la première vague, pour des raisons liées aux contraintes et à l’urgence, une vision du soin centrée sur la santé biologique (individuelle et collective) s’est déployée avec des mesures d’interdictions ou de restrictions mises en place : isolement des patients, restrictions drastiques de visites aux personnes en fin de vie, interdiction de voir les corps des défunts et limitation des rites funéraires, etc. Les raisons furent multiples : méconnaissance du virus, problèmes de ressources humaines et matérielles, angoisse devant la contagiosité, etc.
Nous savons désormais la récurrence de la dimension traumatique des vécus lors de la première vague liée à ces restrictions, qui continuent aujourd’hui au gré des interdictions/fermetures de services de soins ou d’EHPAD, décidées par les directions, parfois en réponse aux demandes de soignants ou de familles. Les privations ou restrictions de visites ont des conséquences sérieuses : isolement et vécus dépressifs, voire syndrome de glissement pour les patients hospitalisés ou en EHPAD, santé psychique des proches mises à mal. Elles engendrent en cascade des problèmes de santé publique à court et long terme. Nous alertions déjà en novembre dernier sur cette problématique.
UNE SITUATION CONNUE MAIS INCHANGEE
Les voix se font de plus en plus nombreuses, de patients, de résidents, de proches pour témoigner des conditions indignes qu’elles subissent.
Si la position du gouvernement, et des directions en écho, laissent entendre l’importance de maintenir le lien, dans les faits, cela reste aléatoire et parfois arbitraire. Actuellement, la plupart des services hospitaliers et EHPAD assurent que les visites sont autorisées, mais les protocoles mis en place pour encadrer ces dernières restent inacceptables. La restriction des durées (très souvent de 30min maximum), des fréquences, du nombre de personnes autorisées et des conditions imposées (certaines visites en Ehpad ne se déroulent que derrière un plexiglas depuis presque 1 an, parfois sous surveillance obligatoire d’un soignant) posent des questions éthiques fondamentales.
Autrement dit, si le gouvernement et les différentes instances s’accordent à dire que les visites doivent être autorisées partout, la condition ajoutée « dans le respect des protocoles sanitaires » vient la plupart du temps laisser place à des entraves majeures aux droits des patients et des proches.
La troisième vague déclenche à nouveau des fermetures strictes de services et d’hôpitaux.
LE BUT : ALERTER SUR L’IMPACT DE TELLES MESURES RESTRICTIVES
Notre collectif vise à alerter sur les conséquences dramatiques déjà observables chez toutes les personnes concernées ainsi que sur les privations de liberté qui s’installent et se poursuivent, dans un temps qui n’est plus celui de la crise, mais qui devient du « long cours ». Il est indispensable que les pouvoirs publics et les directions de ces établissements prennent la mesure de cette situation critique et créent de nouvelles façons de répondre aux risques de contamination pour les patients hospitalisés et leurs proches.
DES DANGERS DÉJÀ CONSTATÉS
Nous rappelons les dangers liés à ces interdictions /restrictions déjà identifiées depuis de nombreux mois :
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Pour les patients :
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Réticence des patients à faire appel aux secours, devant la crainte d’une hospitalisation et la séparation d’avec leurs proches induisant un retard de prise en charge et donc une perte de chance.
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Récurrence d'un vécu d'emprisonnement
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Pour les proches :
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Difficultés liées au processus de deuil, entravé par l’impossibilité d’un accompagnement décent et digne
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Défiance vis-à-vis de l’institution hospitalière ou des EHPAD
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Dévoiement des visites qui, lorsqu’elles sont autorisées à la fin, apparaissent comme de sinistres autorisations à « dire adieu »
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Vécus d’angoisse majorée, agressivité et tensions croissantes
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L’OBJECTIF : ASSURER UN ACCOMPAGNEMENT DIGNE AUX PERSONNES HOSPITALISEES OU EN EHPAD
Le but de ce collectif est d’agir afin d’alerter sur cette situation, de fédérer des positions publiques et politiques afin de pouvoir garantir à toutes et tous, patients et résidents, la possibilité d’être accompagné par leurs proches.
Nous souhaitons également sensibiliser sur l’usage problématique qui est fait des situations des patients dits « en soins palliatifs » qui permettraient « d’obtenir » dans ce cas des visites. Les soins palliatifs ne se réduisent pas à la phase agonique d’un patient, ou de ses derniers jours, il n’est pas acceptable que ce soit uniquement au moment de la mort à venir que chacun puisse être entouré de ses proches, encore moins en faisant cet usage du terme « soins palliatifs », qui va à l’encontre de tout le travail des professionnels depuis des années pour déconstruire l’équivalence entre soins palliatifs et mort imminente.
LES PRÉCONISATIONS : GARANTIR LA SÉCURITÉ DE TOUS ET LE MAINTIEN VITAL DU LIEN
Afin de garantir la sécurité des personnes hospitalisées ou résidents en EHPAD, des soignants mais aussi des proches visitant, le respect des règles sanitaires est essentiel. Satisfaire la double exigence de sécurité et de maintien vital du lien entre les proches demande donc un engagement réel et non négligeable des directions et des soignants afin d’adapter leurs organisations.
Au delà d’alerter sur les restrictions mises en place, le collectif a pour ambition de proposer des solutions pour soutenir les établissements et les professionnels dans les démarches visant à permettre le maintien du lien. Ces solutions ont l’ambition d’être portées sous deux formes : organisationnelle, en proposant des outils pour mettre en place/adapter les organisations et opérationnelle en proposant des aides concrètes sur le terrain.
Le Collectif « Vital » soutient que d’autres choix que la restriction et la répression peuvent être proposés, en misant sur l’accompagnement, l’accueil, la pédagogie et la solidarité. Ainsi plusieurs pistes peuvent être explorées :
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Partenariats avec des associations de bénévoles
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Recrutements pouvant soutenir l’inclusion des jeunes (contrat type Parcours Emploi Compétence)
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Mise en place de services civiques
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Partenariats avec des secteurs de métiers en « chômage technique » (hôtellerie, arts et culture, aéronautique, etc)